Les fiches de résumé de connaissances sont créées en réponse à des questions soulevées par des membres du Global Grassroots Support Network (GGSN). Le GGSN est une initiative qui s’appuie sur le projet Blueprints for Change. Le GGSN met en place une communauté de pratique qui rassemble des projets soutenant des groupes d’activistes grassroots axés sur la justice** dans plusieurs régions et continents. L’objectif est de partager les connaissances sur les défis communs auxquels ces groupes sont confrontés et sur la manière dont chaque projet les a résolus. Les questions sont posées aux autres membres du GGSN afin de compiler les connaissances et les ressources dont nous disposons.
Dans ce tour d’horizon, nous avons répondu à la question suivante : Selon votre expérience, quel mélange d’approches de développement de capacités a le plus d’impact pour le temps requis, que ce soit des ateliers, du coaching, des boîtes à outils ou d’autres méthodes?
** Consulter le document suivant pour la définition du GGSN de « grassroots ».
Réponses de la communauté GGSN
1.La première étape est d’identifier les besoins. Ceux-ci vont dépendre de votre projet et de vos objectifs, et de ceux des personnes avec qui vous travailler. Qu’est-ce que vous/iels veulent réaliser? Quelles compétences, attitudes, comportements sont nécessaires pour réaliser le projet? Effectuer cette analyse en premier va vous permettre d’identifier les besoins, et de planifier pour faire en sorte qu’ils soient remplis.
– Anonyme
2. Si vous en avez le temps, ayez recours à du coaching. Sinon, utilisez des boîtes à outils.
L’approche la plus adaptée à vos besoins va dépendre de ce que vous définissez comme ayant un impact, et dépend aussi du travail que vous faites. L’impact peut être défini de plusieurs manières, évidemment, mais il est central à la question du meilleur résultat pour le temps donné. Voici quelques réflexions sur les différents aspects de l’impact, et le temps alloué au développement de capacités:
- Compétences concrètes: ateliers/formations, qui sont suivis de possibilité de coaching. Pour développer vos capacités, vous devrez investir du temps. La meilleure chose à faire est d’offrir de courtes séances de coaching ou des opportunités de suivi pour solidifier les apprentissages, donner du feedback, etc. Les personnes qui saisissent ces opportunités sont celles qui sont motivées à conserver et implanter ces capacités, alors ça en vaut la peine!
- Stratégie/analyse: cela se déroule sur le long terme parce que ça prend du temps à cultiver. Dans ce sens, des séances de coaching récurrentes (qui sont chronophages) sont les plus adéquates. Et puis une fois que ça aura cliqué, les personnes auront implanté la pensée, la stratégie et l’analyse qui vont leur permettre de réussir par elles-mêmes, et elles pourront partager leurs connaissances aussi!
- Reproductibilité/partage: Vive les boîtes à outils! Les vidéos de ressources ou les documents pratiques sur l’utilisation de boîte à outils sont très utiles parce qu’ils peuvent être consultés plusieurs fois. Les possibilités de coaching sont importantes, et encore une fois, cela aide d’identifier les personnes avec qui il vaut la peine d’investir son temps, parce qu’elles font appel à vous pour apprendre et augmenter leur compétence. Un bon exemple de ça est ce que la Fondation David Suzuki a fait avec leur Future Ground Network: https://futuregroundnetwork.org/resources/
Notre équipe fait souvent du travail de développement de capacités avec des personnes qui se sentent comme si leur maison est en feu (c’est-à-dire il y un enjeu urgent à adresser dans leur communauté). Cela veut dire que nous effectuons du travail intensif pendant une courte période, en implantant toutes sortes de techniques de développement de capacité, selon ce que le temps permet: enseigner des principes d’organisation de campagnes, travailler avec des groupes, développer un plan d’action fructueux, etc. Nous pensons que c’est une incroyable opportunité de « sprint » pour développer des capacités, et souvent il y a une date butoir fixe à du travail intensif.
Les personnes avec qui nous travaillons ont du temps limité pour réagir et organiser leur communauté, pour mettre de la pression, et pour obtenir le résultat désiré. Nous utilisons une approche profonde qui implique d’être réellement présent.e.s avec elles pendant cette période. Nous introduisons différents concepts à chaque réunion de démarrage pour les groupes grassroots. Nous utilisons une approche large où nous créons des espaces où nous nous demandons, si chaque groupe a ce défi, comment pouvons-nous créer un espace où nous trouvons le temps d’être réellement présent.e.s avec elleux?
Être disponible pour répondre à des questions, et cela avec la méthode du bocal de poissons a un grand impact également, parce que d’autres personnes peuvent se demander si la réponse s’applique à elleux, peuvent tirer ce qu’iels en veulent, et revenir avec des questions plus spécifiques en lien avec leur groupe.
-Dani Lindamood, Water Watchers
3. Utilisez des exemples provenant d’expériences vécues et des actions participatives pour solidifier les apprentissages
Il y a souvent une déconnexion entre la formation et la lutte. Nous devons utiliser et incorporer des expériences vécues pour que notre formation soit pertinente et qu’elle ait un impact. Sinon, vous devez créer du contenu qui provient de personnes avec de l’expérience vécue en lien avec l’enjeu auquel vous vous attaquez.
Évaluer si ce que vous fournissez remplit les besoins des enjeux les plus importants auxquels fait face la communauté. Aussi, l’action participative est d’une grande utilité. Rentrez en contact avec les expériences vécues par les personnes directement affectées et animez des groupes de discussion basés sur le problème particulier qui les affecte.
-Julius Okoth, National Coordinator for the Kenyans For Tax Justice Movement
4. Le partage de connaissances et de compétences mène loin
Nous menons une série sur le web tous les premiers mercredis du mois. On se base sur le partage de compétences et de connaissances. Nous passons une heure et demie sur un sujet concret, et nous partageons ce que des personnes dans différents pays font en ce moment. Parfois nous soulignons un ou deux exemples qui fonctionnent ou non, nous analysons pourquoi, et puis nous formons des petits groupes (breakout rooms) pour discuter. Ceci est une manière efficace de développer des capacités en apprenant des personnes qui font les mêmes choses. Cette communauté d’activistes gagne en connaissances et capacités, et iels travaillent avec leur propre communauté pour transmettre les savoirs.
Nous donnons aussi des formations sur la stratégie et la planification de campagnes. Après les formations, il est utile d’effectuer un suivi par du coaching ou des sessions de soutien en extra. Il est utile d’être disponible lorsque les personnes essaient d’appliquer ce qu’elles viennent d’apprendre. Du temps individuel avec les activistes est très pertinent en parallèle de la formation de groupe.
Je crois fortement dans le pouvoir du coaching où vous regardez le problème en posant des questions qui permettent aux personnes de trouver leur propre réponse. Cela prend du temps, mais ne requiert pas beaucoup de préparation.
-Anonyme
5. Le soutien par les pairs et le partage d’expérience construisent la confiance
Partager des expériences avec d’autres personnes qui font le même travail que vous a un impact. C’est une chose de présenter de l’abstrait. D’entendre et de voir des exemples de personnes qui ont fait le travail est important, ça aide à créer de la confiance. Si une personne à qui je peux m’identifier l’a déjà fait, je le peux aussi! De rassembler les personnes pour qu’elles se soutiennent entre elles à travers leur activisme est la base du travail de notre réseau.
Si vous investissez dans le développement de capacités des personnes pour qu’elles puissent mettre en place une campagne et s’attaquer à un enjeu, la réalité est que vous devrez donner beaucoup de temps.
-Lella Blumer, For Our Kids
6. Utilisez différentes approches pour un impact de masse vs un impact profond
Nous avons développé le Hub pour la justice climatique depuis les trois dernières années dans le soi-disant Canada. J’ai deux choses à souligner qui résonnent avec ce que les autres ont dit. La tâche nous a été donnée de soutenir tous les jeunes activistes pour la justice climatique à travers cet énorme pays, et nous avions deux défis. Le premier était la taille du pays, et le deuxième était de s’assurer d’agir en profondeur et de soutenir les groupes prometteurs d’une manière plus significative. Cela nous ramène à la question d’impacts.
Nous avions deux types d’impact. Un consistait à donner une formation de base au plus grand nombre d’activistes possible. L’autre était de soutenir les groupes prometteurs d’une manière plus intensive.
- Pour le premier type d’impact qui avait comme objectif de donner à maints groupes du contenu de base, notre première étape a été de faire beaucoup d’écoute. Nous avons effectué plus d’une centaine de sessions d’écoute avec des groupes pour la justice climatique à travers le pays pour avoir une idée des 10 principaux secteurs de défi. Nous n’avions pas construit de programmes à l’avance. Nous avions la liberté de construire nos programmes initiaux autour des quatre principaux défis communs. Nous avons rassemblé les connaissances de la part d’activistes avec de l’expérience sur ces quatre sujets, et nous avons répété ces formations pour les trois dernières années avec le plus de groupes possible. Les formations contenaient des sujets universels comme : comment créer une stratégie de groupe? Comment structurer un groupe grassroots? Etc. ! Ce sont des questions auxquelles font face beaucoup de groupes.
- Nous utilisons une approche similaire de celle du bol de poisson, et du partage d’expériences entre les activistes, que nous appelons des cercles d’apprentissages. Les cercles sont dans les moyens les plus efficaces pour le partage des connaissances. Les activistes viennent avec du contenu provenant d’autres études de cas, en plus de leurs propres expériences. Collectivement, nous en sortons tellement plus enrichi.e.s et apprenons beaucoup des connaissances provenant des expériences des autres, et en plus, tout le monde s’investit en tant que pairs. Cela crée un meilleur contexte pour de l’échange de connaissances. S’il vous plaît, éviter de déconnecter et devenir passif.ve, comme on peut le voir dans des formations des fois.
7. Documentez tout ce que vous pouvez pour vous y référer et vous en inspirer
Ce que nous avons fait pour augmenter l’efficacité est de créer un répertoire de toutes les connaissances partagées dans les différentes sessions. Nous avons créé un wiki en anglais et en français. Nous voulions que notre base de connaissances soit ouverte et accessible par tout le monde, tout le temps. C’est un endroit où nous pouvons documenter ce qui provient de nos cercles d’apprentissages. Les articles et les sujets que vous voyez ont été enrichis par le partage de groupe. Ceci s’est déployé dans le temps. À chaque fois que nous faisons une formation sur un sujet, ça incorpore plus d’expériences vécues de la part des personnes participantes. Nous le documentons sur le wiki, et la prochaine fois que nous faisons une formation, nous nous inspirons du wiki. C’est un bon moyen de mieux servir les personnes entre les formations et les sessions de coaching, pour les personnes qui veulent s’informer sur un sujet en particulier.
Nous avons un programme prometteur qui commence en ce moment au Québec, qui consiste en une équipe mobile de personnes formatrices qui vont dans les communautés et qui s’assoient avec les activistes. Dans leur cas, iels visitent les groupes menés par des jeunes qui organisent la prochaine grève étudiante sur le climat. Iels s’assoient avec elleux en présentiel pour entendre ce que sont leurs défis, et puis iels produisent rapidement des ateliers et formations qui se basent sur notre répertoire de connaissances. Iels livrent cela sans trop de raffinement, mais rencontrent le groupe après.
Il y a du coaching de suivi et d’implantation qui continue semaine après semaine. Un engagement continu avec les groupes avec qui on a été en contact par des formations et des ateliers est un investissement de temps considérable. Par contre, nous utilisons ce modèle qui consiste en une équipe complète de jeunes personnes formatrices qui ne sont pas des expertes, mais iels ont accès à une base de connaissances plus larges et iels peuvent être présent.e.s sur le terrain, écouter les groupes et travailler avec eux.
- Tom Liacas, Le Hub pour la justice climatique
Sources
Les contributions et les ressources pour ce guide ont été fournies par :
- Dani Lindamood, Water Watchers
- David Suzuki Foundation’s Future Ground Network
- Julius Okoth, Kenyans For Tax Justice Movement
- Lella Blumer, For Our Kids
- Tom Liacas, Le Hub de mobilisation pour la justice climatique
Les autres identités des personnes ayant contribué à ce recueil de connaissances ont été anonymisées.
Cette fiche de résumé de connaissances a été préparée par :
Kenzie Harris, Inès Lepage et Tom Liacas